Et rebelote, le moulinet reprend du service dans un grand, BZZZZZZZZZZ, et clic! plus rien! plus de bobine et plus de signe de vie… y a t’il encore un poisson au bout de la ligne?!? Cap’tain mouline, mouline… jusqu’à apercevoir de vives couleurs étincelantes à la surface de l’eau! Elancée et fière, la mâchoire supérieure allongée comme une lame d’épée, le regard bleu, un corps fuselé, vêtue comme une déesse au festival de Cannes, parée d’une robe argentée aux reflets lie de vin, rehaussée d’un voile en mousseline parme! Ia ora na et Maeva à notre premier espadon! Mais ce ne sera pas les marches du festival qu’elle montera, mais bien celle de la jupe arrière tribord de Milo One. Les hommes sont ravis de cette belle prise qui détrône la précédente avec ses 1.30m! Il va me falloir de nombreuses idées pour la cuisiner: Poisson cru à la Tahitienne, poisson mariné, poisson au lait de coco, poisson au four, poisson au curry,  poisson en papillote, poisson en aïoli, beignets de poisson, boulettes de poisson, brandade de poisson, poisson pané…c’est pas le tout de le pêcher, il faut aussi le manger, sans se lasser!

Changement d’heure… Encore! A peine remis du précédent décalage horaire, c’est le total jet lague! On se réveil de plus en plus tôt… Déjeunons à 10h30… c’est le bordel! Un malheureux 5-6 Knt s’affiche  sur le loch,après une absence totale de souffle, cap’tain remet le ronron du moulin… ca faisait longtemps, une petite révision, histoire de décrasser les moteurs, avant l’arrivée…  Oscar ne parle plus que de chasse au trésor, pour lui le pacifique c’est magique, on a des cadeaux tous les jours! Nous avons planifié notre arrivée, hé oui, nous parlons D’ARRIVEE!!! le compte à rebours est lancé, on décompte les dodos… Plus que 2! Nous atterrirons Samedi matin! Et nous avons hâte d’arriver! 20 jours où la nuit et le jour, le ciel et la mer s’entremêlent. Une aventure haute en couleur, même si autour de nous il n’y a que du bleu. pour preuve, la photo de ce nuage! le voyez vous?!?

Mac Giver se met au boulot , il confectionne une pièce d’articulation provisoire, nous permettant de hisser haut! Nous profitons de cette belle journée, heureux, on avance, on avance…

Lundi matin retour au “turbin”, Cap au Sud, sous GV et soleil, dans une mer plus docile qui nous permet de progresser à 9 -10 Knt. Nous nous rapprochons, enfin, dans l’absolu… contenu de notre cap. Le vent irrégulier, en force et en direction sème vite l’anarchie dans les voiles, nous contraignant à filer très au Sud … Trop…  Changement de mode de propulsion, nous troquons notre GV et le génois contre un bon SPI ballonné comme une montgolfière. Milo plane au dessus de l’eau tracté sereinement direction la terre. Que du plaisir! si ce n’est le soir venu, au moment de descendre la GV, en rentrant du boulot, l’articulation entre la 4eme latte et le rail c’est totalement désintégrée, arrachant avec elle le lazyjack… La voile coule lourdement sur le pont…

-1000 Milles. On passe sous la barre d’Emile!!! Quelle belle journée, comme dirait Oscar! enfin dans l’absolu… Nuit difficile, bien accrochés à nos matelas, le ciel tire toujours ses gros nuages, charriant  grain sur grain, dans une nuit d’encre sans lune. Le bateau subit des vents et des orages, qui laissent derrières eux un terrain de jeu tout ébouriffé, débraillé. Les vagues détonnent violement sur les coques, Milo souffre, il crisse, grince, couine, gémit et l’équipage aussi… Nuit d’insomnie. Il faut veiller… aux grains, régler les voiles sous des vents totalement irréguliers, dans un bruit fracassant ou on a bien du mal à trouver le sommeil… Au réveil, si l’on peut parler d’éveil… disons simplement, que le réveil du matin correspond au réveil d’Oscar et le levé du soleil , on remet Cap au Sud, un ris en moins dans la GV, 11 Knt, avec quelques pointes,  Milo surf et glisse tant bien que mal dans cette mer mal lunée, remontée à bloc, et nous, on encaisse!

Nous progressons dans ce bleu, gris permanent, vertigineux, avec ce quelque chose d’hypnotique… un peu comme une cheminée, on savoure l’horizon, là où le ciel et la mer se mélange… dans les gris, avec un soupçons de bleu… !?! Que dis je??? Mais oui, du bleu! Cap’tain en profite pour se faire dorer la pilule! 1er rayon de soleil réparateur histoire de ne pas arriver blanc lessivé en Polynésie. 3h00 du mat’, 30 Knt de vent nous réveil alors que l’on pensait passer une douce nuit, notre vitesse est de 9 Knt sous génois seul et les grains se succèdent avec des grains à 35 Knt! Notre mouchoir de poche nous propulse, bien malgré nous à 9 Knt! les quart de veille ont du bon, on imagine se faire surprendre sous GV… l’horreur! pour l’instant on gère les grains blanc, sans pluie mais très venté. “Grain blanc, grain méchant, grain gris sous la pluie!”

Quel joli ciel ce matin, quelques gouttes de pluie et ce ciel uni, gris, gris sourie, gris ennuie, gris Polynésie… Notre stratégie météorologique atteint ses limites; Nous sommes tous les matins à la pointe de la dépression, une limite réactualisée en fonction de notre progression… on pourrait le croire!  vents, vagues, dépression… et couverture nuageuse! le top! La question du jour est de savoir si l’on tire Sud Gambier va nu pied, ou Ouest Marquise la banquise… Pour l’heure des gros paquets de vagues s’éclatent violemment sur les coques, Milo vibre du sol au cloison… des geysers remontent des écoulements à l’entrée du carré, qu’il vaut mieux éviter! La mer se déchire, infiniment brisée, secoué, remué, version 4x4 dans un avion de chasse, lancé à 11 Knt, en plein milieu du Pacifique. Ce matin comme chaque matin c’est la récolte de poissons volants et encornets! poissons volants je veux bien mais calamars??? quelle présence mystérieuse?! c’est le suicide du calamar!

Saviez vous qu’il y a des montagnes dans l’océan?!? On y monte, on y descend, inlassablement, montagnes Russe, ou le soleil est absent, à quand la neige? j’ai bien une réponse pour Julien Clerc qui se demande: “ou va l’océan Pacifique” je dirai: en Bretagne! ce matin, comme chacun, le ciel est gris,4m de vagues, que du bonheur! 3 jours à la recherche des vents Sud Est, puis 3 jours à la recherche du ciel bleu, en vain, des dépressions coiffent toute la zone entre Galápagos et Marquise, on a du mal à tenir la cadence de 10 Knt sans être secoués, la nuit on change de cap,génois seul, afin de nous permettre de récupérer. Avec cette stratégie en escalier, on va se faire 6000 milles… sous les grains et atteindre le Cap Horn!

Minuit, c’est comme dans un mauvais réveil, on avance tant bien que mal, cap au sud, Yvan affale notre mouchoir de poche version string, qui claque, les girouettes tendent leurs museaux, à la recherche du moindre souffle, Star bord, Port side, leur cœur balance, entrainant Milo dans une lente danse, pas langoureuse du tout! Il est minuit, nous devrions avoir dépasser cette dépression depuis 48h, mais pas d’amélioration, l’impression de revivre inlassablement le même jour, c’est oppressant. On a beau accélérer, nous n’arrivons pas à passer La limite, on devient fou, les fichiers météo réactualisent tous les jours ses petits “D” (comprendre Dépression) pile sur notre position GPS!  Aujourd’hui : être en pleine Dépression, prend tout son sens! Mais ou sont les alizés, le soleil, les 15Knt de vent, les cocotiers, les sirènes, les hommes nus et les glaces au Nutella?!?finalement le Pacifique c’est assez cynique!

Belle nuit, douce nuit, tout le monde au lit! quart tranquille sur mer d’huile. Juste le temps de petit déjeuner, d’avaler un café, un vent aussi bien inattendu qu’inespéré vient nous cueillir, Milo s’élance ”à fond les manos”, (nouvelle expression d’Oscar), à 10Knt, toutes voiles dehors, le bonheur! 13h00, c’est Milo contre Thazar. la ligne part comme une balle, dans un cliquetis infini, et… STOP net sur le nœud d’arrêt du moulinet… plus de bobine pour l’amuser… la canne en flexion avant maximum dessine un demi cercle! On prépare les ciseaux pour couper la ligne, juste au cas ou… vu la tournure et la force exercée à l’autre bout de la ligne; On change de cap histoire de ralentir, on réamorce le moulinet qui reprend du service et c’est presque “sans” mal que nous remontons Thazar! Un truc ENORME, notre plus grosse prise, toute chasse confondue en 3 ans! et va falloir le sortir vite, car le ciel nous menace de ses gros nuages gris et les ris n’attendrons pas! Sortir vite, facile à dire! 1m30 de Thazar pendu au bout d’une ligne prête à céder sous ce poids monstrueux. Il ne tient même pas sur les marches de la jupe arrière! Trop gros, trop grand, les frigos sont trop p’tit et le congèle encore bien rempli! bon on verra ca plus tard, l’orage nous rappel à l’ordre, on a une dépression à gérer et des ris à prendre. 20h00 Milo contre Miss D. 24h00 secoué, à régler les voiles, on déboule à 10Knt à toute berzingue, Cap’taine ne dort plus, il optimise!  Soit, les vents nous propulsent dans la bonne direction… nous faisons Cap au Sud, tribord amure, vent de NNW…  mais c’est pas vraiment les alizés…